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Avril 2000 : Le retour des protectorats


Les luttes de libération nationale n'ont pas éliminé le colonialisme dans les têtes des colonisateurs. Tous les moyens, politiques, militaires, répressions et corruptions ont été utilisés pour substituer dans des pays devenus indépendants, le néocolonialisme au colonialisme. Dans les Balkans où, après la chute de l'Empire ottoman, les frontières furent décidées et tracées, comme en Afrique, par les puissances lors des Traités de 1913, ressurgit au sortir de la guerre dans l'ex-Yougoslavie le mot : protectorat, terme proscrit en 1981, avec l'accession à l'indépendance des États sous tutelle de l’ONU. Bosnie, Kosovo et Macédoine, sont des exemples du retour au statut de protectorat. Niant la pleine autonomie et indépendance de ces peuples, cela démontre que le Nouvel Ordre Mondial reproduit l'ancien avec les mêmes conséquences humaines, sociales et politiques.


Le texte a été publié dans : Arnaud Blin, Gérard Chaliand, François Géré, Puissances et influences, annuaire géopolitique et géostratégique 2000-2001, Éditions Mille et une nuits, 2000.




Si l’on veut se convaincre des mutations de l’époque, on peut se reporter à l’éditorial du directeur du Monde, Jean-Marie Colombani quand, à propos du Kosovo, il écrit : « Nous sommes entrés dans un monde nouveau où les souverainetés nationales ne sont plus ce qu’elles étaient, où émarge une "communauté internationale" où s’imposeront des protectorats, toutes novations qui peuvent conduire, pourquoi pas, à plus de "'morale" et à moins de nationalisme, à plus de solidarité et à moins d’exclusion, à plus de fraternité et à moins de haine. Cette nouveauté n’a pas fini de bouleverser l’idée que nous nous faisons de l’Europe de demain. »i


On sait l’intensité et l’importance du débat que suscite ce monde nouveau, prélude à l’Europe de demain, dans lequel la souveraineté nationale se délite, mais l’attention se porte moins sur un effet « collatéral », souligné par Jean-Marie Colombani, le retour au protectorat. On croyait cette forme de tutelle, remontant au XIXe siècle, tombée définitivement en désuétude avec l’accès à l’indépendance, en 1970, des îles Tonga. Le fait est d’autant plus surprenant qu’il réapparaît sur le continent européen, où le statut de protectorat, outre sa référence coloniale, rappelle la Seconde Guerre mondiale et les protectorats allemands de Pologne, Bohème, Moravie, Croatie, Norvège, Danemark et de l’Albanie, protectorat italien. Il n’est donc pas incongru de se poser la question : quelles raisons, au tournant du siècle, amènent les puissances dominantes à exhumer le régime de protectorat ?


D’évidence, cela découle de la chute du Mur et de l’implosion de l’Union Soviétique, événements d’une grande importance, d’autant plus qu’ils se sont produits dans un temps historique très court, bouleversant les équilibres européens et, plus encore, les sociétés concernées.


Manifestement, les États-Unis et l’Europe occidentale ont surestimé, non pas leur potentiel économique et financier, mais la capacité de l’économie de marché à assurer la transition dans l’ex-bloc soviétique. Partout, et sans délai, il fallait faire table rase du passé. Tous les discours étaient bons, pour autant qu’ils dénoncent le régime déchu, même ceux éveillant des fantasmes nationalistes, religieux ou ethniques, ou faisant resurgir des déchirures de l’histoire enfouies dans les mémoires ; ce qui devait inévitablement susciter une crise politique.


En n’accordant pas le temps de l’assimilation, en ne portant pas attention ni égards au vécu des populations et à leur identité culturelle, à leur difficulté à occulter brutalement le passé, à modifier les liens sociaux, à connaître d’autres rapports avec le travail, à adopter de nouvelles références et valeurs, on préparait fatalement l’émergence d’une crise morale.


Profits et enrichissement sont le credo. Or en l’absence d’un tissu d’entrepreneurs, d’artisans, d’agents administratifs, qui participe des de l’économie de marché, la voie a été ouverte vers les chemins les plus rapides de la « réussite » et, dans un libéralisme échevelé, la corruption, la rapine, les mafias s’imposèrent à tous les niveaux de l’État, du commerce et de la finance, rendant inéluctable une crise sociale et économique.


Un regard sur l’Histoire des Balkans, plus particulièrement sur la façon dont fut gérée par les Puissances au XIXe et au début du XXe siècle la fin de l’Empire ottoman, eût dû permettre de crier gare. A l’inverse, champ libre fut laissé à la démagogie chauvine et raciste de politiciens boutefeux. Des pouvoirs autocrates et/ou corrompus reçurent l’aval de la communauté internationale ; des secteurs entiers de l’économie, qui permettaient à des gens de survivre, furent saccagés ; de puissants réseaux maffiosi purent tisser leur toile sans que soient prises de dispositions adéquates à leur encontre. En conséquence de quoi, conflits interethniques, anarchie, haine et guerres ont ravagé les Balkans.


Devant l’horreur des tueries ethniques et pour éviter la propagation des conflits, la communauté internationale se devait d’intervenir. Invoquant le droit d’ingérence, elle le fit, parfois tardivement, le plus souvent à contretemps, presque toujours en négligeant les réalités historiques, humaines et culturelles des populations, jamais en partant d’une approche globale, pluriethnique, du contexte balkanique.


Le porte-parole de l’OTAN, Jamie Shea lui-même, demande que les puissances occidentales ne parlent plus « d’ingérence humanitaire » et qu’elles disent clairement qu’elles n’agissent pas par « par pure

charité », mais parce qu’elles ont des intérêts nationaux à défendreii. Le système mis en place dans les Balkans aux différentes étapes de la décomposition et du déchirement de l’ex-Yougoslavie est bien un système de sécurité, de contrôle, de gestion et de domination.


Du droit d’ingérence au droit de tutelle.


La Macédoine fut le premier État concerné. Devant les menaces de propagation du conflit bosniaque, dès décembre 1992, le Conseil de sécurité décide un déploiement préventif de casques bleus sur sol macédonien. Paradoxalement, l’ONU prenait ainsi sous sa protection un pays qui avait proclamé son indépendance un an plus tôt, mais qui n’était pas membre des Nations unies, n’était pas reconnu par les puissances occidentales et sur le territoire duquel ne se déroulait aucun conflit armé iii.


Toujours « pour prévenir une extension du conflit », et aussi afin de faire face à des risques de déstabilisation intérieure, en juin 1993, alors que Washington et les pays de l’Union européenne n’ont toujours pas reconnu Skopje, les États-Unis décident pour la première fois l’envoi de militaires dans l’ex-Yougoslavie. Cette présence sur la frontière macédonienne, on a pu en juger pendant l’opération « Forces alliées », remplit une fonction militaire évidente, mais son maintien, et le nombre important de conseillers civils américains présents dans les ministères, relativisent le caractère indépendant de l’État macédonien.


La guerre se poursuivant en Bosnie, après l’échec de trois plans successifs sous l’égide des Nations unies, au début de 1994, Washington s’implique plus directement. A cela des raisons de politique intérieure (situation préélectorale) et de stratégie globale précisée par William Perry, secrétaire à la défense : « ce qui est en question ici, c’est la cohérence de l’OTAN, l’avenir de l’OTAN et le rôle des États-Unis en tant que leader de l’OTAN iv, » Les États-Unis exercent leur suprématie sur l’Europe et ce processus aboutit, en novembre 1995 à Dayton, où un « plan de paix » est imposé aux Bosniaques musulmans, aux Croates et aux Serbes


Si chacun salue la fin de trois ans et demi de guerre civile, Dayton ne signifie pas la naissance d’un État indépendant mais une nouvelle étape de la mise sous contrôle de la région. L’ONU discréditée par son impuissance (qui, il faut le rappeler, relève de la responsabilité même des États membres, en particulier des membres du Conseil de sécurité), c’est l’OTAN qui se voit attribuer le rôle de force d’intervention. Le Haut représentant civil de la communauté internationale, en liaison étroite avec le commandement militaire de l’IFOR, puis de la SFOR v, dispose des pouvoirs exécutifs et a autorité sur les gouvernements de la Fédération bosniaque et de la République Srpska ; le programme de reconstruction, fondement du développement économique, relève des institutions internationales et le gouverneur de la banque centrale, nommé par le FMI, « ne peut être un citoyen de la Bosnie-Herzégovine. »


Que la situation sur le terrain ne permette pas à la communauté internationale de remplir les objectifs qu’elle se définit ne modifie pas la teneur du dispositif adopté. La Bosnie est sous occupation militaire, les deux entités qui la composent, avec le Haut représentant de l’ONU dans le rôle de gouverneur, sont sous administration occidentale et économiquement le pays est sous perfusion internationale.


En Albanie le schéma diffère, bien que les risques d’un élargissement du conflit dans l’ex-Yougoslavie aient été grands en raison des liens unissant les Albanais d’Albanie et ceux du Kosovo, l’inquiétude majeure est née de la révolte des populations après l’effondrement des pyramides financières en 1997, qui laissait craindre un chaos contagieux. Les pouvoirs albanais successifs concevant l’intégration à l’Occident dans une déliquescence de l’État national au sein de l’Europe et de l’OTAN, dès 1992, les conseillers étrangers se trouvaient en territoire octroyé. Quand la révolte éclate, devant faire face à une économie en ruine et sous l’emprise des mafias, avec une société à la dérive ne voyant d’issue que dans l’exil, le pouvoir, dans l’impossibilité d’assurer son autorité, autoproclame l’Albanie protectorat de l’OTAN. Ce rêve atlantique est d’ailleurs parfaitement exprimé par un journaliste albanais estimant que « l’Albanie avait fait assez d’effort en faveur de l’OTAN, mise à disposition du territoire, de l’espace aérien et des eaux territoriales, soutien des stratégies de l’OTAN durant toute la durée de la crise, pour avoir éliminé tous les obstacles bloquant (son) adhésionvi. » Si cette adhésion est « un rêve », la mise sous tutelle de l’Albanie s’avère, en revanche, bien réelle.


Le Kosovo était promis au statut de protectorat par la communauté internationale avant même la conduite à son terme de l’opération « Forces alliées », ceci, il faut le souligner, avec l’approbation des indépendantistes albanais dont la stratégie, en opposition avec celle des mouvements de libération de la seconde moitié de ce siècle, plus que de compter sur ses propres forces, repose sur une intervention extérieure.


Bien qu’il y eût un passage obligé par la symbolique onusienne, comme en Bosnie, l’OTAN détient la conduite des affaires militaires et le pouvoir administratif est totalement sous l’autorité des Occidentauxvii. L’administrateur de l’ONU dispose d’un droit de veto et le Conseil exécutif, organisme de représentation des communautés du Kosovo, transformé ou non en « conseil intérimaire » reste une chimère, l’intolérance ethnique rendant aujourd’hui impossible toute relation entre les communautés albanaise et serbe.


Ainsi, que ce soit en Macédoine, en Bosnie-Herzégovine, en Albanie ou au Kosovo, chaque fois, l’impossibilité à résoudre la crise de l’intérieur a justifié ou exigé l’intervention des États-Unis (dont le rôle fut prépondérant tant dans les phases de négociations que lors des interventions militaires) et de l’Europe qui ont, par étapes successives, transformé le droit d’ingérence en droit de tutelle.


Des protectorats pour faire quoi ?


Personne ne croyant en un apaisement rapide des sentiments antagonistes entre les communautés, on estime nécessaire d’assurer pendant plusieurs décennies une présence militaire, un encadrement économique et une assistance financière. Prévision toute théorique puisqu’elle ne prend en compte ni l’attitude à venir des populations devant les contraintes d’une emprise étrangère ni les événements qui peuvent survenir dans le monde, en Europe, dans les Balkans et à sa périphérie, où les brûlots incontrôlés sont nombreux.


La mise de la région sous autorité administrative internationale et « sous la protection directe de l’OTAN » répond à l’objectif immédiat de stabilisation des Balkans et à celui de renforcer le déploiement de l’OTAN dans des zones stratégiques reliant l’Europe occidentale, le Bassin méditerranéen, le Proche-Orient et les marches d’une Russie à l’économie frappée d’apoplexie mais où les sentiments nationalistes sont exaspérés.

Ce déploiement trouve son prolongement dans l’axe turco-israélien sous l’égide des États-Unis, en passe de remodeler la carte du Moyen-Orient et dont on commence seulement à juger les effets dans le bassin Méditerranéen et pour l’Europe viii.


Mais l’établissement de protectorats répond également à la pression croissante des pays de l’Europe orientale et balkanique pour être admis au sein de l’Union européenne et au sein de de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord.


Deux chiffres éclairent les données du problème, l’adhésion de ces pays représente 100 millions de ressortissants de plus pour une augmentation de 5% du PNB de l'Union. Quelles que soient les promesses qui ont été faites à ces pays, les critères d’admission de Copenhague, sauf si ceux-ci venaient à être profondément modifiés, reportent à longtemps l’entrée dans l’Union européenne de plusieurs candidats ix.


Il en est de même pour l’admission dans l’OTAN : outre que son élargissement aux pays balkaniques revient à toucher à des équilibres stratégiques délicats, les coûts d’intégration au dispositif de nouveaux pays sont considérables. L’État-major du Traité de l’Atlantique Nord se satisfait donc d’utiliser l’espace terrestre, maritime et aérien des pays candidats, mais la porte d’enceinte de l’adhésion reste étroite.


Cet état de choses suscite d’une part impatience et déception dans les pays candidats, et d’ores et déjà des gouvernements cherchent des alternatives au modèle obligéx , d’autre part des explosions de mécontentements de populations désillusionnées et confrontées à de très difficiles conditions économiques et à une crise identitaire qui s’exprime dans le chauvinisme et la haine de l’autre, sont inéluctablesxi. D’où une volonté de chercher à geler les problèmes par la mise sous tutelle de la région.


La Bosnie-Herzégovine, le Kosovo, l’Albanie et la Macédoine sont, à des degrés divers, des « sous-états » ; mais il peut en être de même demain pour la Croatie de l’après Tudjman ; déjà la Bulgarie, largement dotée d’experts étrangers et d’un conseil monétaire sous l’égide du FMI, ne décide plus de sa politique économique ; on sait que la Roumanie subit les conséquences sociales des thérapies imposées par le FMI ; s’ajoute l’inconnue que représente le devenir de la Serbie et du Monténégro. Les États-Unis et l’Europe sont-ils maîtres de la logique engagée ?


Le régime de protectorat ne fait qu’accentuer la relation inégale entre les États occidentaux et des entités qui, hors d’un statut de tutelle, menacent de sombrer, et si l’on s’en tient à l’objectif premier, stabiliser la situation dans les Balkans, quels sont les résultats ? Pour en juger, la Bosnie s’avère le meilleur exemple, l’expérience y est plus ancienne qu’au Kosovo et les pouvoirs administratifs et économiques de la communauté internationale y sont beaucoup plus larges qu’en Albanie ou en Macédoine. Quatre ans après Dayton, la Bosnie-Herzégovine dépend entièrement de l’aide internationale, aucune société civile réelle n’a émergé et les structures en place sont dénuées de caractère démocratique. Hors le petit commerce, on ne constate aucune reprise économique, le système bancaire est en faillite, la corruption règne, laissant le champ libre aux activités maffieuses, la sécurité et les droits des personnes ne sont pas assurés. D’où le constat de « la disproportion criante entre, d’une part, les droits et le pouvoir des représentants internationaux, et, d’autre part, l’absence de responsabilités, laissant la place à un report constant des objectifs proclamés dans les accords de Dayton » xii. »


Qu’en est-il du multi-ethnisme que devait symboliser la Bosnie ? Nulle part il ne se concrétise. Dayton a constitutionnellement institué des entités territoriales ethniquement homogènes et « des centaines de milliers de réfugiés et de personnes déplacées n’ont toujours pas accès à leurs anciens appartements, maisons, locaux commerciaux et terresxiii. » Trois polices (bosniaque/musulmane, croate et serbe), trois services postaux, trois réseaux de téléphones, trois systèmes scolaires ont été mis en place. Seule la monnaie est unifiée, avec le mark convertible, et la seule efficacité aujourd’hui reconnue à la SFOR est d’empêcher la reprise des combats. Pour les populations, c’est le désespoir ; Zlatko Dizdarevic parle d’un « pays malheureux, habité par des gens malheureux et situés au bas de l’échelle européennexiv. »


Le schéma se répète au Kosovo, l’OTAN, assurant le commandement de la KFOR, rencontre les plus grandes difficultés dans son rôle d’interposition et de protection des populations minoritaires qu’elles soient albanaises, serbes, roms, goranci. L’aide humanitaire n’est satisfaite qu’à 10% des besoins et la circulation de l’argent tient plus aux circuits mafieux qu’aux investissements. Les obstructions des Serbes et les surenchères des Albanais paralysent toute normalisation ; contrairement au but affirmé, on assiste au Kosovo à l’achèvement du partage et de l’épuration ethniques. L’UNMIK, chargée de créer une administration transitoire, est paralysée par le manque de moyens, jusqu’à ne pas disposer du contingent de policiers nécessaire. L’OSCE, face à une situation de chaos économique et d’antagonismes exacerbés, dans l’obligation de reporter les élections parlementaires et présidentielles prévues initialement pour cette année, voit la mise en place de structures démocratiques s’embourber. Ceci dans un climat non de coopération, mais de défense de prérogatives, d’intérêts économiques et de jeux politiques entre les puissances occidentales.


Est-ce là l’avenir que l’on propose aux Balkans ?


Se garder des risques de « balkanisation » de l’Europe.


Substituer le message des droits de l’homme au message civilisateur ne change rien ; comme au temps de la colonisation, un régime de protectorat s’inscrit dans une logique de domination militaire et économique. Les populations, conséquence de décisions imposées, étrangères à leurs conceptions des choses ou d’attitudes ressenties comme autoritaires, vexatoires, ont le sentiment d’être considérées comme des « non-sujets », blessure dont on ne mesure encore ni la pleine signification ni les conséquences.


La « Déclaration de Prague » sur la mise en œuvredu pacte de stabilisation pour l’Europe du Sud-Estxv souligne cette régression de la pensée politique que signifie le retour au protectorat en rappelant que « nous ne vivons plus au temps du colonialisme » mais surtout qu’en « dernière instance seuls les État et les sociétés de la région sont à même de résoudre leurs propres problèmes et de garantir la stabilité ». D’évidence, aujourd’hui, les États et les sociétés de la région ne sont pas, il s’en faut, à même de résoudre les problèmes posés ni d’assurer leur stabilité ; mais il n’est pas d’autre voie pour les peuples des Balkans que de rompre avec l’engrenage des crises de demain, comme il n’est pas d’autre voie pour la communauté internationale que de créer les conditions de prise en main par ces peuples eux-mêmes de leur devenir.


S’il en fallait une preuve, l’histoire des XIXe et XXe siècles montre à l’Europe qu’une situation de dominateur a dominé n’a jamais réduit ni les nationalismes, ni l’exclusion, ni la haine, et qu’un peuple, en particulier en situation difficile, a besoin de dignité.


Ceci nécessite une révision radicale des modes de penser et d’agir des sociétés concernées, et de la communauté internationale. Il faut s’en convaincre, l’imposition des mécanismes de la mondialisation, les confusions introduites entre morale et stratégie, le « modèle occidental » à décalquer, le monoïdéisme des règles fixées par les organismes économiques et financiers internationaux, l’ethnocentrisme culturel uniformisant sont autant de logiques qui ont conduit à l’impasse actuelle. Elles ne contribuent pas à l’émergence et au renforcement des sociétés civiles qui permettraient aux communautés balkaniques (dont les traditions et les cultures, même si ces communautés s’en défendent, sont proches), d’assumer leur passé tragique mais commun, et à l’Europe de concevoir un projet partant d’autres relations, afin de se garder des risques de « balkanisation » du continent.




iLe Monde, 8 avril 199

ii Conférence de presse de Jamie Shea, 26 octobre 1999.

iii Sept pays avaient alors reconnu la Macédoine, dont la Russie, la Bulgarie et la Turquie, conséquence des objections de la Grèce, ce n’est qu’en avril 1993 qu’elle fut admise à l’ONU ; il faudra attendre le mois de décembre 1993 pour que les États de l’Union européenne établissent des relations diplomatiques avec la Macédoine et janvier 1994 pour les États-Unis.

ivLe Monde, 8-9 octobre 1995

vLa SFOR, « force de stabilisation » de l’OTAN remplace, en décembre 1996, l’IFOR, «force d’application ».

viShaban Murati, Agence Alternativna informativna mreza (AIM), 20 juillet 1999.

viiSelon la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations unies, le pouvoir exécutif (budgets, sécurité, police et services publics) est dévolu à l’administration des Nations unies.

viii Voir à ce sujet l’excellent numéro 1 de la revue « Limes », Editions Golias.

ixLe Slovénie est le seul pays des Balkans inclus dans la « première vague » des pays candidats avec lesquels des négociations sont engagées depuis 1998. Alors que les critères d’admission demeurent et que la réforme de l’Union européenne, dans une perspective d’élargissement, n’est pas entamée, la Commission européenne de Romano Prodi joue la souplesse et veut ouvrir les négociations à la «deuxième vague » des pays candidats, parmi eux la Bulgarie et la Roumanie. Une telle modification du processus ne résout pas les problèmes posés et peut, en mettant ces pays en «concurrence », aggraver les relations interbalkaniques. Autre conséquence, l’obligation faite aux pays candidats d’exiger des visas des ressortissants des pays non-candidats revient à «ghettoïser » plus encore la Bosnie, la Macédoine et l’Albanie.

xPar exemple, le gouvernement macédonien a engagé des consultations pour sortir de la voie unique fixée par le FMI.

xiSelon la BERD, sur la base d’un indice 100 en 1990, en 1998 le PIB tombait à l’indice 84 pour l’Albanie et la Roumanie, 75 pour la Bulgarie, et 68 pour la Macédoine et l’on sait que pour ces pays la situation s’est notablement aggravée en 1999, conséquence de la guerre au Kosovo.

xii Ivana Drazenovic, AIM, traduit par Le Courrier des Balkans, 14 novembre 1999.

xiiiWolfgang Petritsch, Haut représentant en Bosnie-Herzégovine, 27 octobre 1999.

xivZlatko Dizdarevic, cité par « Le Monde », 20 juillet 1999.

xvDéclaration de l’Assemblée européenne des citoyens, octobre 1999, Le Courrier des Balkans.

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